Yan Pei-Ming, l’Homme qui pleure
Lundi 23 septembre 2019: Yan Pei-Ming, l’Homme qui pleure, visite-conférence par Mael Bellec, conservateur en chef du département d’arts chinois du musée Cernuschi, de l’exposition au Musée des beaux-arts de Dijon.
Né en 1960 à Shanghai dans une famille ouvrière, Yan Pei-Ming grandit dans l’ambiance de la Révolution culturelle (1966-1976). Ses talents artistiques sont repérés alors qu’il est encore très jeune et il lui est demandé de réaliser des peintures de propagande. Il arrive en France en 1980 et étudie à l’École des beaux-arts de Dijon dont il sortira diplômé en 1986. Il étudie ensuite à l’École des hautes études en arts plastiques à Paris et effectuera un séjour en résidence à la Villa Médicis (1993-94). Bien qu’ayant un atelier à Ivry-sur-Seine, il est très intégré dans la ville de Dijon où il possède un second atelier et où il a déjà exposé. C’est en Bourgogne qu’il a fait des rencontres décisives pour sa carrière: Xavier Douroux, Franck Gautherot, les fondateurs du Consortium, et Fabian Stech.
Son œuvre, marquée par le refus de l’abandon de la peinture, le goût des formats monumentaux et une forte expressivité, a ainsi été présentée dans de multiples lieux de par le monde, au premier rang desquels la fondation Maeght, le Louvre, le musée du Belvédère de Vienne et le San Francisco Art Institute.
L’exposition d’une cinquantaine d’œuvres de Yan Pei-Ming déployées dans l’ensemble du musée des beaux-arts de Dijon témoigne de l’enracinement local de cet artiste. L’artiste dit «qu’il met en dialogue peinture historique et interprétations contemporaines afin de révéler la transcendance de l’énergie picturale. C’est aussi un hommage à ces grands artistes qui continuent de m’inspirer. Dans la salle des tombeaux des ducs de Bourgogne, un triple portrait de ma mère, profondément contemporain, dialoguera avec les atemporels Pleurants.»
Dans les salles, les peintures se répondent: September, 11th 2001 montre l’explosion de la première tour alors qu’un avion s’approche de la seconde ; en face un autoportrait, montre Yan Pei-Ming dans une attitude qui demande pardon au monde. Fukushima, 11mars 2011, qui saisit le moment d’après l’explosion, est encadrée de deux chiens qui hurlent. Femmes invisibles, femmes voilées dont on ne voit que les yeux sont exposées sous le regard mort de l’Oncle aveugle
A l’Autoportrait à quatre âges répond le bouquet de fleurs noires, hommage des vivants aux morts, tandis que dans la même salle, l’artiste rend hommage à deux amis récemment décédés, Fabian Stech, un ami peint comme un enfant et Xavier Douroux, un ami qui est peint dans la force de l’âge.
Dans les salles de peintures du musée, il revisite l’œuvre des grands maîtres du passé. L’Exécution, après Goya rend hommage au maître, un des premiers à peindre des évènements contemporains. Tout en respectant le tableau el tres de mayo, Yan Pei-Ming intensifie l’horreur du moment par un intense éclairage et la couleur rouge prédominante. La vocation de Saint Matthieu et Le martyr de Saint Matthieu réinterprètent les toiles du Caravage dans une symphonie de gris, de noirs et de blancs qui en magnifie la dramaturgie.
Game of power (Jeu de pouvoir), une série de cinq portraits (Donald Trump, Bachar al-Assad, Vladimir Poutine, Kim Jong-un et Mohammed ben Salmane) fait face à deux grandes toiles No comment qui montrent les atrocités de la guerre: un charnier et un homme hurlant sa douleur. Cependant, derrière No comment, le mur est occupé par une grande toile, Pigeons, qui pourrait exprimer un certain espoir avec l’envol des oiseaux sur un ciel bleu tourmenté mais lumineux.
Tout un ensemble d’œuvres sur papier montre la virtuosité de l’artiste qui y maîtrise la technique de l’aquarelle occidentale. La série des Pleurants, référence aux sculpture des pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne, rend ceux-ci très présents et joue de manière magistrale avec la texture de l’albâtre. Cinq portraits, Ma mère, illustre le remarquable travail de l’aquarelliste qui sait utiliser le blanc du papier pour jouer avec la lumière sur les reliefs du visage.
Peintre d’histoire, portraitiste, peintre engagé, Yan Pei-Ming est un homme blessé qui continue à se battre.