SUR LES TRACES DU BOUDDHA

Mercredi 25 septembre 2013 : Conférence  Sur les traces du Bouddha par Madame Trâm-Journet,conférencière au musée Cernuschi, enseignante à l’Ecole du Louvre.

Cette première conférence d’un cycle sur le bouddhisme permet d’évoquer la naissance du bouddhisme en suivant les pas de Siddhârta Gautama ou le Bouddha Sakyamuni.
Une image et un canon bouddhique vont être créés qui se répandra en dehors du monde indien et certains traits ou certains épisodes seront plus ou moins retenus en fonction des cultures.

Le Bouddha historique va naître dans un monde indien façonné à partir du second millénaire avant notre ère par les apports d’une population aryenne probablement originaire des confins du Caucase et de la Méditerranée orientale. Ces Aryens ou Indo-européens vont s’installer d’abord dans le bassin de l’Indus puis, vers le premier millénaire, dans le bassin du Gange. La société est hiérarchisée en quatre grandes castes : les prêtres ou brâhmanes, les nobles ou kshatriya, les gens du commun ou vaisya, les serviteurs ou sûdra. La culture de cette société est basée sur un ensemble de textes sacrés : les Vedas (savoir). Du védisme, la culture va évoluer vers le brahmanisme par un changement dans la hiérarchie des divinités avec la prédominance de Shiva, Vishnou et Brahma. L’ensemble des règles qui régissent la société constitue la loi, le dharma. En marge de ce grand modèle, on trouve des moines qui par des pratiques ascétiques, dont le yoga, vont chercher à acquérir des forces spirituelles surnaturelles. Une des idées fortes du védisme est la notion de cycle et que la mort des êtres est suivie de leur renaissance. Ce cycle inéluctable est connu sous le nom de samsara ou de métempsychose. La renaissance se fait en fonction des actes du passé avec la notion de rétribution morale : le karma va être la cause de la renaissance qu’elle soit bonne ou mauvaise. Il est possible de sortir de ce cycle par la pratique d’un ascétisme très rigoureux et c’est le point sur lequel le Bouddha historique va apporter une solution accessible à tous.
Ce Bouddha historique naît dans le nord de l’Inde vers 563 avant notre ère et sa vie est indissociable de la légende. Cette vie retrace les étapes traversées par un bodhisattva (être promis à l’Eveil) dont la dernière réincarnation est le prince Siddhârta Gautama qui deviendra un être d’Eveil, un bouddha. Cette accession à l’Eveil se fait en plusieurs vies relatées dans des textes, les jatakas (naissances) qui réunissent les 540 récits à caractère légendaire des vies antérieures du Bouddha. Le fondement de ces récits est qu’il met en avant dix vertus considérées comme essentielles dont l’importance va varier entre le bouddhisme ancien, le Theravada, et le bouddhisme dit du Grand Véhicule, le Mahayana. Dans le Theravada, ces notions essentielles sont le don, la pratique morale, l’abnégation de soi, le renoncement, l’intelligence, la sapience, l’énergie, la patience, la véracité et la détermination alors que dans le bouddhisme Mahayana ce sont le don, la pratique morale, la patience, l’énergie, la sapience, la méditation, la maîtrise des moyens, la résolution, la force morale et la connaissance. Les jatakas font l’objet de nombreuses illustrations.

Le jataka du prince Mahâsattva narre l’histoire de trois princes qui voient une tigresse affamée avec ses petits.Deux des princes vont retourner chez eux pour trouver de la nourriture, mais le troisième reste et décide de s’offrir en nourriture à la tigresse afin qu’elle puisse allaiter ses petits. Ce jataka fait l’objet de nombreuses représentations dans le monde bouddhique (Chine, Japon, etc.). Le Vessantara jataka qui relate l’avant-dernière vie du Bouddha historique raconte que ce roi, au cours de différentes péripéties, fit don à différents brahmanes de son éléphant blanc, symbole de son statut, de ses enfants, de son épouse et, finalement, les brahmanes s’avèrent être des aspects du dieu Indra qui lui rend tout. A sa mort, le roi Vessantara, ayant accumulé les bonnes actions va renaître au ciel des dieux Tushita.

Les principaux lieux de la vie du Buddha

Il va y passer un temps très long (4 000 ans) avant de renaître une dernière fois. Il détermine lui-même l’époque, le lieu de naissance et la mère qui le portera. Son choix se porte sur la reine Maya et le roi Suddhodana du clan des Shakyas dont la capitale est Kapilavastu et il va donc renaître dans la caste des ksatriya. Le couple royal vit dans l’abstinence et n’a pas d’enfant et la conception du futur Bouddha relève du miracle. La reine Maya voit en songe un éléphant blanc pénétrer son flanc droit. Son rêve interprété par les devins lui indique qu’elle donnera naissance à un fils qui sera soit un monarque universel soit un être d’Eveil, un Bouddha, à condition qu’il renonce au monde.
Dix mois plus tard, la reine, se rendant auprès de ses parents, va s’arrêter à Lumbini au Népal, où elle donnera naissance. Cette naissance va être elle aussi miraculeuse : la reine se tient debout sous un arbre s’accrochant à une branche et le jeune prince va sortir de son flanc droit sans la blesser.
La date fixée aujourd’hui pour la naissance est le huitième jour du quatrième mois lunaire (8 avril) qui est un jour de fête essentiel en Thaïlande ou au Cambodge. Afin d’éviter que tout être humain ne touche cet enfant appelé à un avenir exceptionnel, le nouveau-né sera reçu par les dieux Indra et Brahma.
A peine né, l’enfant sachant tout de suite marcher, exécute sept pas vers le Nord, fixer les points cardinaux et proclamer que «comme un lion exempt de crainte et de terreur, il va vaincre la maladie». Dans un même temps sont épouse, son écuyer, son cheval vont naître aussi. Après la naissance le jeune prince va être baigné et suivant les pays la représentation pourra différer.

Après la disparition de la reine maya au bout de 7 jours, le jeune prince est élevé par sa tante. De retour à Kapilavastu, le prince reçoit de son père le nom de Siddhârta (qui obtient la réussite, la prospérité) et les devins établissent son horoscope et examinent les 32 marques majeures et les 80 signes secondaires de l’homme éminent, confirmant l’interprétation du songe de la reine. L’art bouddhique va retenir certains des signes majeurs : les cheveux bouclés qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre, la protubérance crânienne (et non pas un chignon !), une touffe de poils blancs entre les deux sourcils, les lobes d’oreilles étirés, les plis de beautés sur le cou. D’autres signes, telle la  une membrane entre les doigts, peuvent être représentés suivant les pays et les époques.

Son père va lui faire donner une éducation exemplaire qui lui permet de maîtriser les 64 arts, ce qui inclue des disciplines aussi bien physiques que spirituelles. Dès cette période il va susciter des jalousies, notamment celle de son cousin Devadatta qui tentera de le tuer à trois reprises. A l’âge de seize ans, le prince Siddhârta va épouser Yashodharâ. Suddhodana, peu soucieux de voir son fils devenir un renonçant, va lui procurer tous les plaisirs et lui cacher toutes les souffrances humaines en créant des jardins de plaisance. C’est en se rendant dans ces jardins que Siddhârta va faire les Quatre Rencontres qui vont décider de son destin. Il va rencontrer un vieillard en allant à l’Est, un malade au Sud, un cortège funèbre à l’Ouest et un moine mendiant au Nord. Suite à ces rencontres, il va prendre conscience que tout n’est pas que plaisir, qu’il y a des souffrances et que la voie à suivre est celle du renoncement. A son vingt-neuvième anniversaire il décide de quitter sa famille, c’est le Grand Départ. Ce départ va se faire dans le plus grand secret, les dieux vont endormir le palais, des déités vont soutenir les sabots de son cheval pour en étouffer le bruit. Une fois éloigné du palais, Siddhârta va se dépareiller de ses bijoux, de ses vêtements, se couper les cheveux et demander à Chandaka, son écuyer, de retourner au palais avec son cheval et d’annoncer à son père sa décision de renoncer au monde.
Durant la période suivante, le futur Bouddha va rencontrer différents maîtres mais ils ne lui montrent pas une voie satisfaisante pour atteindre le salut. Avec cinq compagnons, ils va s’isoler et va essayer de trouver par lui-même la voie de ce salut. Il va associer des pratiques du yoga à une ascèse et un jeun prolongé qui vont lui faire perdre ses chairs et tous les signes exceptionnels. Dans un état d’extrême faiblesse, Il voit apparaître le dieu Indra qui lui présente un luth à trois cordes : la première n’est pas assez tendue et ne donne aucun son (il ne faut pas être lié à ce monde), la troisième est trop tendue et se casse (les pratiques ascétiques poussées à l’extrême ne sont pas une bonne solution), la deuxième corde qui est juste tendue est la bonne solution, c’est la voie du juste milieu. Il va donc cesser son ascèse, ce qui provoquera le rejet de ses cinq compagnons. Il va se réalimenter et s’installer sur le site de Bodh-Gayâ, sous un arbre, le pipal (ficus religiosa) où il va entamer une très longue méditation. Cette méditation va le mener à l’Eveil et le boddhisattva Siddhârta Gautama devient ainsi un Bouddha, le Bouddha Sakyamuni, le sage du clan des Sakya. Durant sa méditation, le dieu Mara va envoyer ses filles pour le distraire, devant son échec il va envoyer ses troupes puis des catastrophes naturelles sans parvenir à perturber le futur Bouddha. Pour marquer sa victoire, le Bouddha va faire un geste très important, celui de la prise de la Terre à témoin (Bhûmisparsha-Mudra).
L’Eveillé va posséder les quatre nobles vérités : la vérité sur la douleur, la vérité sur l’origine de la douleur, la vérité sur la cessation de la douleur et la vérité pour y remédier. Durant les sept semaines suivantes, le Bouddha va méditer et lors de la sixième semaine, une pluie torrentielle va tomber et le roi naga Muçilinda va se lover pour le surélever et le protéger avec ses capuchons (cette scène est particulièrement représentée dans l’art khmer). Après l’intervention des dieux, le Bouddha va décider d’enseigner ces quatre nobles vérités. Episode fondateur de la vie de prédication du Bouddha historique, son Premier Sermon à destination de ses compagnons d’ascèse non loin de Sarnath, à Bénarès, dans le parc aux gazelles. C’est à l’occasion du Sermon de Bénarès que le Bouddha va mettre en mouvement la roue de la loi (Dharmaçakra mudra). Pour ce premier sermon, le Bouddha va expliquer les quatre nobles vérités : tout est souffrance (la naissance, la vieillesse, la mort, être uni à ce que l’on n’aime pas, être séparé de ce que l’on aime, ne pas avoir ce que l’on désire sont souffrance), la cause de la souffrance (le désir d’inassouvissement provoque la ré-existence et le redevenir, la soif des plaisirs des sens, la soif de l’existence et du devenir, la soif de la non-existence), la cessation de la souffrance (cessation complète de cette soif, s’en libérer, s’en détacher), le remède proposé est le noble chemin octuple ( la conduite éthique liée à la parole juste, l’action juste, le moyen pour une existence juste – la discipline mentale de l’effort juste, de l’attention juste et de la concentration juste – ce qui mène à la compréhension juste et la pensée juste).

Durant quarante-cinq ans, le Bouddha avec ses disciples ne cesseront de parcourir le bassin moyen du Gange pour expliquer et enseigner sa doctrine. Durant ses pérégrinations le Bouddha va connaître des aventures et l’un des épisodes les plus connus est le miracle de Srasvatî : devant une audience qui discute son enseignement, le Bouddha va s’élever dans le ciel, des flammes vont s’échapper de ses épaules et de l’eau va couler de ses pieds. D’autres miracles vont émailler sa vie jusqu’à la fin, lorsqu’il décide de cesser d’exister et de s’éteindre (il ne peut pas mourir). Cet événement, le parinirvâna a lieu près de Kusinâgara : le Bouddha s’allonge sur son flanc droit et ses disciples, les dieux comme tout l’univers vont déplorer son extinction.

Après son extinction la transmission de son enseignement et des règles monastiques vont faire l’objet d’un premier concile durant la saison des pluies suivante sur le site de Rajagriha vers 480 avant notre ère. Durant ce concile on va interroger deux disciples : le premier, Upali, va répondre aux questions concernant la discipline monastique, le second, Ananda, le disciple préféré du Bouddha, va répondre au questions concernant l’enseignement. A la suite de cela on va rédiger un ensemble de textes qui vont se répartir en trois grandes catégories formant le Tripitaka (la triple corbeille) : le Vinaya Pitaka, corbeille de la discipline, le Sutra Pitaka, corbeille des textes, l’Abhiddharma Pitaka, corbeille de la doctrine suprême. Cet ensemble forme encore aujourd’hui le canon bouddhique mais, suivant les différentes écoles, on mettra en avant un texte plutôt qu’un autre. Le corpus le plus ancien est celui sur lequel se base le bouddhisme Theravada qui a été transcrit en pâli, langue censée être proche de la langue du Bouddha. Mais ce bouddhisme ancien prône la voie du renoncement au monde et on va chercher une voie plus accessible aux laïcs pour qu’ils puissent trouver refuge dans le Triple Joyau : le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Vers le troisième siècle avant notre ère se tient le concile de Pataliputra où l’on voit poindre l’idée qu’il n’est pas nécessaire de renoncer au monde pour atteindre l’éveil, ce qui va préparer le schisme du bouddhisme Mahayana qui apparaîtra sous les Koushan en Inde du Nord.

Le bouddhisme Theravada se pratique plutôt en Asie du Sud (Sri Lanka, Thaïlande, Kampuchéa, Laos, Birmanie et certaines parties du Vietnam) alors que le bouddhisme Mahayana s’est développé à partir de l’Asie centra vers le Tibet, la Chine, la Corée, le Japon et certaines parties du Vietnam.

Nous pouvons remercier Madame Trâm-Journet pour cette première conférence qui s’est attachée à la vie du Bouddha historique, le Bouddha Sakyamuni, et prépare la voie pour les conférences suivantes.

 

 

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