Splendeurs des Han, essor de l’empire céleste au musée Guimet

Lundi 12 janvier 2015 : visite-conférence Splendeurs des Han, essor de l’empire céleste au musée Guimet par Sylvie Ahmadian.

Organisée à l’occasion du cinquantenaire des relations franco-chinoises, cette remarquable exposition réunit des œuvres rares provenant de vingt-sept musées et instituts chinois.
La dynastie Han régna sur la Chine de 206 av. J.C. à 220 apr. J.C. Elle se divise en Han occidentaux (ou Han antérieurs), 206 av. J.C. – 9 apr. J.C, capitale Chang’an (actuelle Xian) et les Han orientaux (ou Han postérieurs) 25 -220 apr. J.C, capitale Luoyang, avec le court interrègne de Wang Mang de la dynastie Xin, 9-23 apr. J.C.
Les souverains de la dynastie Han trouvent les bases d’un empire unifié par le premier empereur Qin Shi Huangdi (221-207 av. J.C.) et pendant près de quatre siècles, ils affermiront et élargiront un territoire allant des confins de l’Asie centrale au nord du Vietnam en s’appuyant sur une administration hiérarchisée, une économie agricole et une diplomatie favorisant les alliances et les échanges commerciaux, notamment par la route de la soie.
Des deux capitales construites en bois et briques il ne reste rien sauf des fondations et quelques tuiles estampées ou des éléments architecturaux. Chang’an établie comme capitale par Liu Bang, empereur Gaozu (202-195 av. J.C.) et terminée sous Wudi (141-87 av. J.C.) couvrait 3 600 hectares. Deux grandes artères se croisant perpendiculairement divisaient la cité en quatre parties. La ville abritait environ 240 000 habitants.

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Carte de l’empire Han.

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Figurines de cavaliers. Terre cuite. H. 68cm. Tombes de Yangjiawan. Han occidentaux. Musée de Xianyang.

Suivant le modèle du premier empereur, l’empire Han se fonde autour de la figure du souverain, pivot du système impérial. Le tombeau impérial est au même titre que le palais un symbole du pouvoir. Le tombeau Yanglin de l’empereur Jingdi (157-141 av. J.C.), le seul à avoir été fouillé, présente un tumulus central entouré de 81 fosses d’accompagnement où ont été trouvés des figurines funéraires (mingqi) en terre cuite moulée et peinte (personnages, soldats, animaux domestiques), des jarres et vases en céramique, des chaudrons, lampes et mesures ainsi que des armes, le tout en différents métaux (fer, bronze, cuivre). Les statuettes nous renseignent sur l’organisation et sur les costumes portés à la cour. Hommes et femmes portaient trois vêtements superposés (chemise, robe au col croisé et un manteau à encolure droite avec de longues et amples manches). Une armée miniature présente des soldats et des cavaliers nus en terre cuite dont les bras amovibles en bois ont disparu et qui étaient, à l’origine, vêtus de tissus. Pour la première fois on voit apparaître des représentations d’eunuques, serviteurs issus du peuple, dédiés à toutes sortes de tâches domestiques. La grande quantité d’animaux en terre cuite (chiens, chevaux, mules, porcs, moutons, bœufs, coqs et poules) témoigne de la prospérité de l’économie rurale.
Les fosses d’accompagnement des tombes de Yangjiawan (nord-est de Xianyang) appartenant à de hauts chefs militaires recelaient 1 800 figurines de fantassins et 583 cavaliers ainsi que 1 000 boucliers en terre cuite peinte.
Pour asseoir son pouvoir, l’empereur attribua dix royaumes à des membres de la famille impériale. Placés sous le contrôle direct de l’empereur, ils gouvernaient selon le modèle de l’administration impériale et leur richesse provenait de la collecte des impôts. Leur pouvoir fut tel qu’ils finirent par déstabiliser l’état lors de la rébellion des sept royaumes en 154 av. J.C. à laquelle l’empereur Jingdi mit fin en les morcelant et en créant plus de commanderies. Les tombes de ces rois ou des membres de la famille impériale ont livré des objets d’exception témoignant du faste des cours princières. La tombe de Liu Sheng (154-113 av. J.C.), roi Jing de Zhongshan a livré des véritables trésors artistiques. Le brûle-parfum (boshanlu) en bronze incrusté d’or évoquant les îles dressées sur les eaux, demeures des immortels taoïstes, atteste de l’émergence du taoïsme et de sa quête d’immortalité. Deux vase hu démontrent la virtuosité des bronziers han : l’un, en bronze doré est incrusté de plaques de verre imitant le jade et orné de perles d’argent alors que le second, en bronze, est couvert d’un décor stylisé de dragons enroulés et de nuages tourbillonnants dorés alors que les motifs du col jouent avec l’argent et l’or. Deux poids servant à maintenir les nattes sur lesquelles on s’asseyait, provenant de la tombe de Dou Wan, figurent deux léopards. Le corps rehaussé d’or et d’argent et les yeux sertis d’agates soulignent l’effet naturaliste et la puissance élégante des animaux.

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Brûle-parfum boshanlu. Bronze et or. H. 26 cm. Tombe de Liu Sheng. Han occidentaux. Musée du Hebei

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Vase de type hu. Bronze, or et argent. H. 59,5 cm. Tombe de Liu Sheng. Han occidentaux. Musée du Hebei. ©Musée Guimet

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Pendant en forme de dragon. Jade. H. 17,5 cm. Tombe princière de Chu. Han occidentaux. Musée de Xuzhou.

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Masque funéraire de Liu Kuan. Jade. L. 20 cm. Tombe du roi du Jibei. Han occidentaux. Musée de Changqing.

 Le jade, considéré comme une matière noble, constitue l’élément de parure des aristocrates et sa fonction protectrice culmine sous les Han. Pendants, anneaux, agrafes de jade ont été trouvés dans plusieurs tombes princières. Le pendant en jade en forme de dragon provenant de la tombe de Liu Wu (174-154 av. J.C.), roi de Chu, présente un travail remarquable de la matière de même que le pendant en forme de disque bi provenant de la tombe de Liu Cheng, roi Mu de Zhongshan (141-174 apr. J.C.). Le jade, depuis l’antiquité, servait à obturer les neuf orifices du corps afin d’y maintenir les derniers souffles mais le costume de jade cousu de fils d’or de Liu Wu témoigne de la somptuosité des inhumations princières et de la volonté de préserver l’intégrité physique. Il est constitué de 4 248 plaquettes de jade de Khotan liées par des fils d’or d’un poids total 1 576 grammes. Ces costumes étaient l’apanage de l’empereur et des princes, l’aristocratie n’ayant droit qu’à un masque comme celui de Liu Kuan (97-87 av. J.C.), roi de Jibei, mais dégradé et condamné au suicide.

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Costume funéraire de Liu Wu. Jade et fils d‘or. L. 176 cm. Tombe princière de Chu. Han occidentaux. Musée de Xuzhou

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Sapèques wuzhu. Bronze. Han occidentaux. Institut Archéologique du Shaanxi. Moule à sapèques wuzhu. Bronze. L. 22,8 cm. Dynastie Han. Institut Archéologique du Shaanxi

L’agriculture a été le fondement de l’économie et de l’état sous les Han. Cette importance est le résultat d’une conjonction de facteurs techniques, économiques et diplomatiques. La qualité des outils en fer s’améliore, l’utilisation de l’araire et de la traction bovine se répand largement. L’ouverture et la mise en valeur de nouvelles terres organisées directement par le pouvoir central déplacèrent vers le nord, tout en les agrandissant, les frontières de l’économie agricole chinoise. Paradoxalement, le contrôle étatique de l’agriculture entraîne l’enrichissement des grandes familles et leur triomphe sous les Han orientaux.
Créées sous les Royaumes combattants, les sapèques, pièces de monnaie en bronze rondes et percées d’un trou carré font partie de l’unification du système monétaire programmée par Qin Shi Huangdi mais généralisée sous les Han. En dehors des sapèques, un autre système monétaire réservé à l’aristocratie utilisait des pièces jinbing, «galettes d’or», souvent octroyées par l’empereur comme moyen de gratification ou utilisées comme cadeaux de valeur. Le royaume de Dian, actuel Yunnan, a continué d’utiliser des cauris sous les Han occidentaux comme le prouve ce récipient en bronze, provenant de Lijiashan, évoquant un tambour et surmonté de bœufs, symboles de richesse.
La stratégie impériale, alternant conciliations et offensives, vise à contenir ses voisins loin de ses frontières. En particulier, les populations Xiongnu au nord-ouest ont toujours été une menace et la grande muraille demeure au cœur du dispositif défensif de l’empire. L’expédition du général Zhang Qian, de 139 à 123 av. J.C., visant à créer une alliance avec les Yuezhi fut un échec mais ouvrit la Chine aux contrées occidentales avec lesquelles des relations commerciales furent instituées. L’importation des chevaux du Ferghana commencée sous Wudi avantagea l’armée chinoise. Ces «chevaux célestes» étaient plus grands et plus véloces que les chevaux chinois d’origine mongole. La tombe du général Zhang à Leitai a livré une garde d’honneur en bronze avec attelages et chevaux, démontrant l’importance des chevaux dans les entreprises militaires dans les zones frontières. La création des nouvelles commanderies du Gansu relie l’empire aux routes commerciales transcontinentales. La figure du soldat-paysan est de première importance, en contact avec les populations locales d’éleveurs, il est un maillon essentiel dans les échanges économiques, militaires mais aussi artistiques ou vestimentaires. Si les chinois utilisaient l’arc depuis l’antiquité pour les cérémonies, les concours, la chasse ou la guerre, l’arbalète permit des jets d’une plus grande portée et d’une plus grande efficacité.

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Voiture légère avec parasol tirée par un cheval. Bronze. H. 44 cm. Tombe du Général Zhang. Han orientaux. Musée du Gansu.

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Elément de boucle de ceinture. Or. L. 13,3 cm. Tombe princière de Chu. Han occidentaux. Musée de Xuzhou

La route de la soie permit de nombreux échanges de matières premières, d’objets finis, de techniques mais aussi d’idées (introduction du bouddhisme sous les Han orientaux) dans les deux sens. Ainsi on peut trouver sur les sites Han des objets tels que des boucles de ceinture influencées par l’art animalier des steppes, des récipients originaires d’Asie occidentale, des tissus provenant d’Asie centrale. La particularité d’un fragment de tapisserie de laine figurant un chevalier de type hellénique réside dans son mode de tissage proche de la trame brochée qui influencera la technique de tapisserie de soie (kesi) durant les siècles suivants. Un autre fragment de cotonnade teint selon la technique du batik figure un boddhisattva féminin tenant une corne d’abondance, motif emprunté à l’art bouddhique du Gandhara.
L’écriture chinoise unifiée joua un rôle prépondérant dans la transmission des idées. Sous les Han, les lettrés font un important travail de reconstitution, de synthèse et d’interprétation des textes classiques. La canonisation du confucianisme se manifeste sous les Han orientaux par la gravure du texte des Six Classiques sur des stèles érigées en 175 dans la capitale Luoyang. Parallèlement, les textes circulaient sur des lamelles de bambous ou de bois, mais aussi sur la soie et surtout le papier, apparu dès le IIème siècle av. J.C. et qui allait s’imposer progressivement. Ainsi, le papier, l’encre, la pierre à encre et le pinceau vont faire partie du trésor des lettrés. Si le confucianisme était le mode de pensée officiel, le courant de pensée taoïste fut également important.
Pour les chinois de l’époque des Han l’âme est constituée de deux éléments : l’âme hun aspire au ciel alors que l’âme po à la terre. Le rituel du rappel de l’âme recourait à l’utilisation d’une bannière où sont figurés le soleil et la lune. Les régions célestes étaient considérées comme le lieu de séjour des immortels associés à la mythique île Penglai située à l’Est alors que le mont Kunlun, à l’Ouest, est indissociable de la Reine-Mère de l’Ouest (Xiwangmu), divinité liée à la quête d’immortalité. Une petite figure d’immortel en bronze, trouvée à Chang’an illustre l’intérêt des membres du palais pour les arts divinatoires, médicaux et magiques. Un disque en bronze doré, qui ornait probablement un cercueil, fait appel à la rhétorique taoïste figurant la porte du ciel, le renard à neuf queues, l’oiseau vert messager de Xiwuangmu qui est assise au centre.

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Manuscrit sur papier. Encre et papier. D. 17,5 cm. Han orientaux. Musée de Lanzhou. ©Musée Guimet

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Figure d’Immortel. Bronze. H. 15, 3 cm. Han occidentaux. Musée de X’ian. ©Musée Guimet

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Miroir. Bronze. D. 10 cm. Han occidentaux. Institut Archéologique du Shaanxi

L’archéologie a permis de donner accès aux différents aspects de la vie quotidienne comme au domaine intime. Le cadre de vie est évoqué par les modèles en terre cuite peinte tel le modèle de grenier à cinq niveaux qui donne un luxe de détails architecturaux.
Réservé à l’origine aux cérémonies rituelles, le miroir de bronze est progressivement adopté dans la vie quotidienne mais reste chargé d’une forte symbolique. Il est généralement muni d’un bouton hémisphérique entouré de registres concentriques où peuvent apparaître des textes poétiques ou de bon augure.
La vie des cours princières était ponctuée de banquets, de jeux et de concerts accompagnés de danses. La tombe de la marquise de Dai à Mawangdui a révélé un ensemble remarquable de textiles variés et d’objets en bois laqué. Une boîte en bois laqué contenait sept coupes à oreilles erbei de même matière. Ces coupes étaient destinées à la consommation de l’alcool, la laque protégeant de l’humidité, de la chaleur et de la corrosion. Dans le style typique des Han opposant le noir et le rouge, les parois externes sont laquées de noir rehaussé d’un décor de volutes rouges alors que l’intérieur, laqué rouge, est orné en noir de l’inscription «Maisonnée du marquis de Dai ». Des mingqi trouvés dans les tombes montrent les instruments agricoles et le mobilier traditionnel des domaines tels un fourneau en terre cuite à glaçure verte ou un entonnoir en même matière. Les jeux figurent aussi dans les objets usuels entreposés dans les tombes : dés, jetons ou vases à flèches. Quatre figurines de joueurs d’échecs en bronze servant de poids pour lester une natte illustrent avec réalisme les attitudes et expressions des gens du commun. Deux mingqi en bois peint montrent deux joueurs de liubo, jeu très populaire sous les Han.
Les orchestres miniatures, les danseuses, les jongleurs, les acrobates ou les «clowns» font aussi partie du mobilier funéraire et donnent une idée précise de ces divertissements. Une cithare en bois laqué trouvée dans une tombe de Mawangdui est probablement l’instrument à corde le plus ancien, démontrant l’importance de cet instrument, souvent associé au luth, dans la vie des princes et des lettrés. Les carillons de bronze ou de pierres sonores étaient utilisés dans les cérémonies rituelles mais aussi dans la musique de cour et étaient un symbole de pouvoir et d’autorité.

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Modèle de grenier à cinq niveaux. Terre cuite. H. 129 cm. Han orientaux. Musée de Jiaozuo. ©musée Guimet

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Boîte et coupes à oreille erbei. Bois et laque. L. maximale 19,2 cm. Tombe de la marquise de Dai. Han occidentaux. Musée Provincial du Hunan.

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Figurines de joueurs. Bronze. H. maximale 9,2 cm. Dynastie Han. Musée Provincial du Gansu.

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