La Chine à Versailles – art et diplomatie au XVIIIème siècle
Mardi 16 septembre 2014 : visite conférence La Chine à Versailles – art et diplomatie au XVIIIème siècle au château de Versailles.
Cette exposition, commémorant le 50ème anniversaire des relations diplomatiques entre la république populaire de Chine et la France, retrace les échanges commerciaux et artistiques entre ces deux nations au XVIIIème siècle. Elle s’articule autour des trois règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI.
Même si des échanges diplomatiques ont eu lieu sporadiquement depuis le XIIIème siècle, ce n’est que sous le Roi- Soleil qu’ils prennent un caractère officiel et continu.
En 1670, Le Vau avait construit, à la demande du roi, pour Madame de Montespan, le Trianon de Porcelaine qui se voulait de style chinois mais était décoré de faïence de Nevers, de Delft ou de Rouen. L’objet chinois le plus ancien entré dans les collections de Louis XIV (1638-1715) est une petite coupe de jade blanc de l’époque Ming provenant de la vente de la succession du Cardinal Mazarin.
La réception des ambassadeurs du roi du Siam en 1686 va impressionner les esprits et marquer le début de l’intérêt de la cour pour les productions artistiques de l’Empire du Milieu, mais c’est surtout l’intérêt du roi et d’un de ses fils, le Duc du Maine (1670-1736), pour les missions des jésuites à la cour de Kangxi (1654-1722) qui va décider des relations culturelles et diplomatiques entre les deux pays. La visite du père Couplet accompagné d’un jeune chinois converti Shen Fuzong renforça la détermination du roi à lancer une expédition financée sur sa cassette personnelle.
Les ambassades jésuites emportaient toutes sortes d’instruments scientifiques qui permettaient de faire des relevés pendant le voyage et servaient de cadeaux diplomatiques particulièrement appréciés de l’empereur Kangxi passionné de sciences et d’astronomie. De leurs voyages, les pères jésuites rapportèrent des récits de voyage ou des textes sur la culture chinoise tels le Portrait historique de l’empereur de la Chine présenté au Roy par le père Joachim Bouvet (1697), Confucius sinarum Philosophus traduit par plusieurs missionnaires jésuites (1687) ou les Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine par le père Louis le Comte (1696).
Le duc du Maine commanda la tenture de l’Histoire du roy de la Chine à Beauvais. La tapisserie «les astronomes» montre l’empereur de Chine (peut-être Shunzhi 1644-1661) en compagnie des pères jésuites et d’instruments d’astronomie. Dans le fond du paysage, on distingue une pagode -peut-être celle de Nankin (Nanjing)- qui est un élément récurrent utilisé pour donner un caractère chinois aux paysages de fantaisie.
Cependant Louis XIV mit au garde-meuble les cadeaux envoyés par Kangxi en 1700 (soieries, laques, vases, etc.) et Versailles exposait plutôt le goût français alors que la cour commençait déjà à collectionner les porcelaines et les laques. Son fils, le Grand Dauphin (1661-1711), se distingua par son goût pour les porcelaines de Chine, en particulier les bleu et blanc (336 pièces dont 69 disposées dans son cabinet doré à Versailles).
La Compagnie Française des Indes Orientales, créée en 1664 sous le contrôle de l’état, eut d’abord un rôle politique et peu commercial. Cependant il est fait mention de pièces d’étoffes de Chine, de velours de Perse et de gaze de Chine, etc.
C’est sous le règne de Louis XV (1710-1774) que l’attirance pour « la chinoiserie » se manifeste le plus : l’adaptation au goût français de matériaux orientaux par l’adjonction de montures en bronze doré pour les porcelaines ou l’utilisation de panneaux de paravents en laque pour la réalisation de meubles, l’imitation de l’art chinois ou japonais, l’influence de l’art chinois sur le goût français et la création d’une Chine de fantaisie grâce à des artistes comme François Boucher.
A partir de 1700, les vaisseaux abordant en Chine à Canton (Guangzhou), il s’ouvrit un marché qui permit de faire des commandes particulières, et la Compagnie importa des services de porcelaine armoriés ; on peut voir ainsi quelques pièces du service de Louis XV aux armes de France ornées des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit.
Philibert Orry de Vignory (1689-1747), contrôleur général des Finances, dont le portrait par Hyacinthe Rigaud orne une salle, réforma les statuts de la Compagnie, comptant sur le développement de la Compagnie des Indes pour soutenir la croissance du royaume de France.
La Compagnie importe en plus des porcelaines et des laques, des papiers peints et des soieries gouachées dites «pékin», ce qui n’empêchera pas les soyeux lyonnais de proposer des taffetas peints inspirés des «pékins».
Un nécessaire de voyage offert par Louis XV à la reine comporte des porcelaines de Chine et du Japon dotées de montures orfévrées. Ces nécessaires, tout comme le éléments de décor ou les meubles étaient fournis par les marchands merciers (marchands de tout et faiseurs de rien) qui s’adressaient à différents corps de métiers pour en fabriquer les éléments.
Un vase céladon d’époque Qianlong (1711-1799) fourni par le marchand-mercier Hébert pour la garde-robe du roi est enrichi d’une somptueuse monture rocaille en bronze doré.
Cependant le roi porta sa préférence aux porcelaines de Vincennes puis de Sèvres dont les décors pouvaient être «chinoisant». En général, le roi n’afficha son goût pour l’Orient que dans les appartements privés ou au château de Choisy, mais la reine Marie Leszczynska (1703-1768) participa elle-même à la réalisation des panneaux illustrant la culture et le négoce du thé pour son cabinet «des Chinois». En plus d’objets chinois montés en bronze, la reine collectionna des objets en laque du Japon. Madame de Pompadour ou Madame de Mailly décoraient leurs appartements de curiosités orientales et de meubles en vernis Martin imitant les laques.
Henri-Léonard Bertin (1720-1792), connu comme secrétaire d’Etat pour son influence sur la pensée économique et l’agriculture, joua un très grand rôle dans la connaissance de la Chine par sa correspondance avec les jésuites, par ses collections d’ouvrages chinois ou d’ouvrages rédigés par les jésuites à l’intention des collectionneurs. Ce grand sinologue fut celui qui poussa la manufacture de Sèvres à produire de la porcelaine dure à la manière des Chinois grâce au kaolin, identifié par Réaumur en 1730, dont on trouva des gisements dans le Limousin. Il réunit dans son hôtel parisien une importante collection extrême-orientale. C’est aussi grâce à lui que la suite de seize gravures illustrant les campagnes de Qianlong fut exécutée sur la commande du frère Giuseppe Castiglione (1688-1766) pour la cour impériale chinoise. Un portrait de Qianlong fut réalisé à Sèvres d’après un dessin aquarellé du frère Giuseppe Panzi (1734-1812) appartenant à Bertin.
Louis XVI (1754-1793), comme son prédécesseur privilégiait les porcelaines de la manufacture de Sèvres, mais le comte de Provence (1755-1795), futur Louis XVIII, ou ses tantes Mesdames Adélaïde (1732-1800) et Victoire (1733-1799), de même que la reine Marie-Antoinette (1755-1793) favorisaient les porcelaines orientales montées à la dernière mode. Deux rares aiguières en porcelaine à couverte aubergine d’époque Kangxi montées sur des bronzes dorés d’une rare qualité (attribués à pierre Gouthière) étaient présentées dans le boudoir de la reine à Versailles. La reine possédait, outre une collection de céramiques orientales, un ensemble de laques japonais : boîtes, sujets, écritoire, plateau, etc.
La mode des meubles ornés de laques perdura et les plus grands ébénistes tels Adam Weisweiler (1746-1820) ou Martin Carlin (1730-1785) produisirent des chefs-d’œuvre en utilisant de panneaux de laques de Chine ou du Japon. L’engouement du marché parisien pour les papiers peints chinois conduisit au développement d’une production française, à l’imitation des fabrications chinoises.
La manufacture de Vincennes produisit à partir de 1752, le fond bleu lapis inspiré des bleus poudrés de l’époque Kangxi et en 1753, le bleu céleste (en fait un bleu turquoise) en hommage au Céleste Empire. Les peintres François Boucher (1703-1770) et Jean Pillement (1728-1808) influencèrent considérablement l’ornementation des pièces de porcelaine. Mais à côté de cette production montrant une Chine de fantaisie, Sèvres produisit aussi des pièces à décor directement inspiré des porcelaines chinoises et Louis-François Lécot (actif 1763-1765 et 1772-1802) utilisa pour un déjeuner avec plateau des images tirées du Qinding shoushi tongkao commandé par l’empereur Qianlong afin d’améliorer les techniques des cultures agricoles.
En 1777, la reine fit installer au Petit Trianon un jeu de bague chinois à l’imitation de celui de la folie de Chartres élevée par Carmontelle à l’emplacement de l’actuel parc Monceau à Paris. En 1781 une galerie chinoise fut ajoutée qui entourait la moitié du manège.
Les 150 œuvres présentées dans cette exposition proviennent de plusieurs grandes institutions françaises et étrangères ainsi que de collections particulières.