Relation du voyage des Amis de la SAMC en Chine du 16 au 26 octobre 2024.
En raison du peu de temps dont nous disposions, la visite de Pékin a été axée, en prélude à notre déplacement en Chine du Nord, sur trois complexes architecturaux associés chacun à une des trois grandes religions ayant forgé l’histoire de l’Empire du Milieu. Elle a débuté avec le Temple du Ciel, emblème de la ville au même titre que la Cité Interdite, avec sa rotonde couronnée par un triple toit en tuiles vernissées bleues. Le monastère des Lamas (Yonghe Gong), ancienne demeure princière du début du 18ème s., a permis aux amis du musée de se familiariser avec l’architecture et l’organisation d’un monastère chinois ainsi qu’avec le Bouddhisme ésotérique. Le Temple de Confucius a introduit les voyageurs à la philosophie qui a prédominé et façonné la pensée ainsi que la société chinoise.
Avant de rejoindre Chengde, le car s’est arrêté à Jinshanling pour une découverte de la Grande Muraille qui, à cet endroit, est impressionnante avec ses 11 km qui suivent les lignes de crête de cette région montagneuse. Construite sous les Ming (1368-1644), cette partie est ponctuée de bastions. Arrivés à Chengde, la visite du Putuozongsheng miao, copie en réduction mais tout de même imposante du Potala (palais du Dalaï Lama à Lhassa) nous a plongés dans un univers mêlant architectures et décors tibétains et chinois. Commandé par l’empereur Qianlong (1711-1799) pour l’anniversaire des 80 ans de sa mère et de ses 60 ans, cet ensemble imposant abrite de nombreux stupas de forme tibétaine ainsi qu’une salle couverte de tuiles de bronze dorées.
Le lendemain, la visite s’est poursuivie avec la résidence d’été des empereurs de la dynastie Qing (1644-1912), le Bishushanzhuang. Commencé sous Kangxi (1654-1722) et poursuivi sous Qianlong, cet immense domaine comprend, non seulement la résidence impériale mais un très grand parc montagneux ainsi qu’une zone de lacs ponctuée de pavillons qui évoque des paysages lacustres du sud de la Chine. La résidence, elle-même, suit le plan traditionnel des palais, alternant cours et pavillons sur un axe Sud-Nord, mais avec une extrême simplicité du décor traduisant la volonté de Kangxi de s’imposer comme un lettré et de mettre en scène sa sobriété. Ce palais devait contribuer à amadouer les peuples mongols en les recevant dans cette ville du Nord. Qianlong accentua cette utilisation politique du lieu en faisant construire de nombreux temples d’obédience lamaïque.
Le temple Puningsi abrite la plus grande statue en bois de Guanyin (Avalokitesvara), haute de 28 mètres alors que le Pulesi se caractérise par une forte influence tantrique. La rotonde supérieure de ce monastère, qui rappelle celle du Temple du Ciel, protège un mandala construit en bois habité par une divinité du bouddhisme ésotérique.
La visite au pas de course du Musée Provincial du Hebei nous a permis d’admirer, entre autres, le riche mobilier de la tombe du roi Cuo de Zhongshan, enterré en 310 av. J.-C., et les merveilles des tombeaux Han (206 av. J.C.-220 apr. J.C.), en particulier les linceuls de jade du prince Liu Sheng (2ème s. av. J.C.) et de son épouse ainsi que les objets et chars trouvés dans la tombe.
Les grottes de Xiangtanshan nous ont familiarisé avec l’art rupestre de la dynastie des Qi du Nord (550-577), qui a beaucoup favorisé le bouddhisme. Grâce à Mael Bellec, nous avons été initiés à l’iconographie bouddhique chinoise. Malheureusement, ce site a été pillé au 20ème s. ce qui explique que nombre de sculptures n’ont plus de tête ni de mains.
Après un court voyage en «TGV» et en autocar, nous sommes arrivés à Pingyao, ville qui a conservé ses remparts et son caractère de l’époque des Ming et des Qing. L’Hôtel de l’Harmonie nous a plongé dans l’atmosphère des siècles passés avec ses multiples cours et bâtiments. La ville a été le siège de la première banque en Chine ayant mis en place un système de lettre de change, en 1823. Nous avons pu visiter cet établissement transformé en musée et comprendre l’organisation complexe de ce système qui fit une partie de la richesse de la ville. La flânerie dans les rues de Pingyao s’est accompagnée de la visite des temples du Dieu de la cité et celui de Confucius.
Sur le trajet pour rejoindre Taiyuan, le Zhenguosi, nous a émerveillés par sa remarquable architecture. La salle des Dix Mille Bouddhas est un exemple spectaculaire de charpenterie du 10ème s. qui abrite encore les sculptures de la même époque. La salle ne possède aucune colonne intérieure, laissant ainsi un vaste espace pour les sculptures et les fidèles. Le manoir des Chang qui s’étend sur 15 hectares est une démonstration de la richesse d’une famille s’étant adonnée au commerce avec la Russie sous les Qing et où, appartements, pavillons et jardins sont une synthèse de l’architecture domestique privée chinoise.
Dans la ville de Taiyuan, le sanctuaire Jinci présente un ensemble de temples dont certains remontent à la dynastie des Song (960-1279). Le temple de la Sainte-Mère (Shengmudian), construit au début du 11ème s. offre une façade qui s’appuie sur huit colonnes autour desquelles s’enroulent des dragons sculptés en haut-relief. La salle abrite en plus des statues du culte, un ensemble de statues en terre peinte qui montre toute la grâce des dames de l’époque Song. On retrouve ces charmantes personnes en musiciennes d’époque Yuan (1279-1368) dans le temple du Dieu de la Guerre.
Les temples et monastères autour du Wutaishan nous ont replongé dans le bouddhisme. Le Foguangsi est remarquable par son architecture de la dynastie des Tang (618-907) et l’ensemble de sculptures en terre peinte datant des jin, des Yuan et des Ming. Au centre du Temple de l’Est, Sakyamuni est entouré de Amitabha et Maitreya, tandis que Manjusri sur un lion et Samantabhadra sur un éléphant occupent les extrémités du groupe de sculptures.
Sur la route du retour vers Datong, le temple suspendu, le Xuankongsi, étonne par son implantation à flanc de falaise. Bien que fondé au 5ème s., ce que nous voyons aujourd’hui résulte des multiples rénovations sous les dynasties Ming et Qing. La pagode de Yingxian est l’une des plus anciennes en bois et la plus grande. Élevée dans un complexe monastique qui a disparu, elle culmine à 67 mètres. Construite en 1056 sous la dynastie des Liao (916-1125), elle est aussi un exemple remarquable de charpenterie avec ses multiples poutres et consoles soutenant les six toits. Une grande statue de Buddha en terre peinte trône au centre du rez-de-chaussée.
Le dernier jour a commencé avec la découverte du site impressionnant des grottes de Yungang creusées sous les Wei du Nord (386-534). L’évolution du style entre les différentes phases se fait bien sentir. Le patronage impérial s’est arrêté en 494 avec le déplacement de la capitale de Datong à Luoyang, mais le site a continué d’être actif. Plusieurs des grottes possèdent un pilier central, orné de sculptures, autour duquel on faisait une circumambulation. Des bouddhas et bodhisattvas gigantesques ont été sculptés dans la falaise et recouverts de torchis peint. Les grottes conservent une multitude de niches habitées d’êtres divins et certains plafonds sont sculptés de caissons peuplés d’apsaras tandis que d’autres évoquent le toit d’une tente comme on peut en voir à Dunhuang.
Le monastère Huayan recèle deux bâtiments construits sous les Liao et les Jin qui sont impressionnants. Le temple «d’en haut» dont la façade est percée de trois portes arrondies, abrite trois statues de bouddhas en bois de la dynastie des Ming, les deux autres, de la même époque, sont en terre peinte. Le temple «d’en bas» servait à la conservation des sutras dans des armoires disposées le long des murs. L’ensemble fut restauré à plusieurs reprises sous les Yuan, les Ming et les Qing. Avant de reprendre le train pour Beijing, nous avons pu admirer le mur des neuf dragons qui est un mur écran construit devant l’entrée du palais du prince Zhu Guidai en 1329. C’est le plus ancien exemple de ce type, long de 45 m, il est orné de 426 carreaux de faïence émaillée et vernissée.
Les repas ont permis de découvrir toute la variété de la cuisine chinoise avec quelques moments forts comme le canard laqué de Beijing, les raviolis de Chengde ou la fondue de Datong.
Nous avons eu la chance d’être accompagnés d’un guide national remarquable, M. Zhang Hao, et les guides locaux ont aussi parfaitement assuré leur fonction, avec une mention spéciale pour M. Xiao Pengshi dans le Shanxi.
Nous remercions particulièrement Mael Bellec, conservateur en chef au musée Cernuschi, qui a été d’une grande aide pour compléter les informations et éclaircir des notions de religions, d’art et d’architecture.