2014 : Paire de paravents à six feuilles, Kishi Renzan (1805-1859). MC 2013-2

  • Aigle sur un pin enneigé
  • par Kishi Renzan (1805-1859)
  • vers 1850
  • Kyōto, Japon
  • paire de paravents à six feuilles
  • encre et couleurs légères sur papier
  • 171 cm L . 370 cm chacun
  • Signé Renzan Gantoku sceau Kishi Bunshin (en haut), Shidô (en bas)

Cette œuvre, acquise par la Société des amis du musée Cernuschi pour le musée, s’inscrit dans la politique d’acquisition conduite par le musée d’œuvres montrant l’évolution de la peinture asiatique et notamment japonaise. Elle vient combler les lacunes dans le domaine de la peinture de l’époque d’Edo et constitue une étape importante dans la transformation et le passage d’une peinture « traditionnelle » à une peinture de type Nihonga.

La composition couvre ici deux paravents, mais le sujet principal est concentré sur le paravent de gauche, dans un effet de déséquilibre et de dissymétrie proprement japonais. Un aigle, symbole militaire de bravoure, est perché sur un pin enneigé et semble prêt à fondre sur sa proie. A cette composition puissante s’oppose le calme relatif du paravent de droite occupé par une des branches du pin, rendue à l’aide de la technique du katabokashi (« forme créée par estompage d’encre »). La perspective employée n’est pas celle de la peinture japonaise traditionnelle, mais ressort de la perspective occidentale. Elle peut de ce point de vue se rapprocher de la célèbre peinture de Maruyama Ôkyo intitulée « Pins sous la neige ». Le réalisme avec lequel est dépeint l’aigle montre une véritable étude d’après nature, propre aux courants réalistes du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle. Ces paravents montrent combien Renzan est redevable à l’école Maruyama-Shijô. La paire de paravents acquise par le musée Cernuschi est proche d’une autre composition figurant des « Singes sur des pins » (Lee Institute for Japanese Art, Clark Center,Californie), datée de 1853, mais dont il ne subsiste plus qu’un des deux paravents.

Kishi Renzan appartient à un mouvement pictural « occidentalisant », né à Kyôto au XVIIIe siècle sous l’influence des premières peintures et gravures européennes introduites au Japon à partir des années 1725. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le peintre Maruyama Ōkyo (1733-1795) encourage la peinture d’après nature et sur le motif. Formé à la perspective occidentale grâce à l’utilisation de la camera oscura et aux vues d’optique importées d’Occident, Ōkyo intègre à son travail à l’encre des recherches de volume et de perspective linéaire. Cette école réaliste, dite école Maruyama-Shijô, est à l’origine de la naissance de plusieurs autres écoles réalistes, dont l’école Kishi, fondée par Kishi Ganku (1749-1838) et à laquelle appartient l’artiste ici présenté. Cette école fut la principale rivale de l’école Maruyama-Shijô à Kyôto. Renzan fut le premier élève et le gendre de Ganku (il fut également adopté par Ganku). Il se spécialisa dans la peinture de fleurs et d’oiseaux. Auteur de peintures pour le palais impérial de Kyôto, il y décora les portes coulissantes de la salle dite « Salle des Oies sauvages » en raison de leur thématique. A la mort de Ganku, il devint le co-leader de l’école Kishi, avec son beau-frère Kishi Gantai (1782-1865).

Cet artiste de renom est représenté dans de célèbres institutions telles que le musée national d’art moderne de Kyôto, le musée municipal d’art moderne de Kyôto, mais aussi le Victoria and Albert Museum de Londres, la Freer Gallery of Washington ou le Fogg Art Museum de Harvard. Une peinture portant la même signature et des sceaux similaires à ceux de ces paravents est publiée dans le catalogue de l’exposition « l’Ecole Kishi et ses membres » (Kishiha to sono keifu, 1996, Ritto rekishi minzoku hakubutsukan, préfecture de Shiga).

Le musée Cernuschi est heureux de pouvoir désormais abriter une œuvre magistrale de cet artiste.

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