Jacques Chirac ou le dialogue des cultures
Mercredi 5 octobre 2016 : Jacques Chirac ou le dialogue des cultures, Visite conférence par Marie-Odile Fontaine Guide-conférencière.
Grâce à l’aimable invitation des Amis du Musée du quai Branly-Jacques Chirac, nous avons pu découvrir cette intéressante exposition commentée de manière enthousiaste par Madame Fontaine.
Le parcours évoque aussi bien l’évolution de la perception des arts dits primitifs en Occident que l’anniversaire des dix ans du musée voulu par Jacques Chirac et de son implication dans la connaissance des arts premiers .
Entre les Ashantis exhibés au Jardin d’Acclimatation en 1887 et l’Expositions Coloniale Internationale de 1931, un long parcours a été fait qui a permis de ne plus considérer les arts africains et océaniens comme l’œuvre de peuples sous-développés ou « dégénérés » mais de les percevoir comme un art à part entière. Des artistes comme Paul Gauguin, Henri Matisse, Alberto Giacometti ou Pablo Picasso vont non seulement collectionner de l’art nègre mais aussi s’en inspirer.
Jacques Chirac, pourtant très attaché à sa Corrèze rendra hommage au Martiniquais Aimé Césaire ou au Sénégalais Léopold Sédar Senghor pour leur part au mouvement d’affirmation de la négritude. C’est lui, qui présidant à la panthéonisation d’Alexandre Dumas dira : « La République aujourd’hui ne se contente pas de rendre les honneurs au génie d’Alexandre Dumas. Elle répare une injustice. Cette injustice qui a marqué Dumas dès son enfance comme elle marquait déjà au fer la peau de ses ancêtres esclaves… ».
Le 16 novembre 1995, devant l’Assemblée générale de l’Unesco, Jacques Chirac déclarait : « J’encourage l’Unesco à être plus que jamais le laboratoire d’idées dont le monde a tant besoin ; un pont jeté entre toutes les cultures, dans le respect de chacune d’entre elles… ». Pour lui, la diversité culturelle devait être considérée comme un des piliers du développement durable « chaque fois qu’une culture disparaît, qu’une langue disparaît, c’est la culture du monde qui s’affaiblit ». Il soutint de façon déterminante, l’élaboration puis l’adoption d’une Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles qui fut votée en 2005.
André Malraux, au travers de son musée imaginaire, a popularisé l’idée que les œuvres de tous les temps et de toutes les cultures sont capable de dialoguer.
L’influence de Claude Lévi-Strauss est aussi très forte, qui refuse toute hiérarchie de valeurs entre les cultures. Jean Malaurie, passionné par les Inuits (Les derniers Rois de Thulé) édita Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss dans la collection « Terre humaine ». Des liens d’amitiés unissaient Jean Malaurie à Jacques Chirac.
En 1960, le premier volume de la collection « L’Univers des formes » dirigée par André Malraux, sera suivi de 41 ouvrages qui proposent un vaste panorama de l’histoire des civilisations, allant de Sumer à l’Océanie en passant par les cultures classiques d’Occident, du Proche-Orient, de l’Afrique ou de l’Amérique précolombienne.
C’est aussi en 1960, que le musée des Colonies devient le musée des Arts africains et océaniens. En 2003, ses collections comme une partie des celles du musée de l’Homme sont dévolues au futur musée du Quai Branly.
C’est en 1972 qu’est inaugurée la première édition du Festival d’automne voulu par Georges Pompidou. Ce festival propose une programmation ouverte sur toutes les cultures du monde qui deviennent ainsi de plus en plus familières au public.
C’est en 1972 qu’est inaugurée la première édition du Festival d’automne voulu par Georges Pompidou. Ce festival propose une programmation ouverte sur toutes les cultures du monde qui deviennent ainsi de plus en plus familières au public.
L’influence de Georges Pompidou sur son jeune collaborateur puis ministre fut déterminante et Jacques Chirac se considérera comme le dépositaire de l’héritage culturel et politique de Georges Pompidou et veilla à ce que le projet du Centre Pompidou soit mené à terme.
Jacques Chirac, suivant le modèle de François Mitterrand qui avait réparti les cadeaux reçus au cours de ses deux septennats entre diverses institutions, décide de faire don de ceux qu’il a reçu au département de la Corrèze et c’est ainsi qu’est né le musée du Président-Jacques-Chirac à Sarran.
Durant ses mandats comme maire de Paris, puis en tant que président, Jacques Chirac aura l’occasion d’apprécier la civilisation chinoise et il gagne une réputation d’amateur éclairé, entretenue par ses relations avec les musées Guimet et Cernuschi.
Les « Saisons » ou « Années croisées » consacrées par la France à la culture d’un pays étranger depuis quelques décennies invitent le public, à Paris et en régions, à se familiariser avec toutes les formes culturelles étrangères.
La passion de Jacques Chirac pour le Japon mobilisera les institutions de la Ville de Paris sur des projets visant à faire connaître la richesse culturelle de ce pays. En 1982, un pacte d’amitié unie Paris et Tokyo et la Saison de Tokyo à Paris, en 1986, programme un ensemble d’évènements exceptionnels (expositions, représentations de Kabuki, tournoi de sumo).
En 1987, l’Institut du monde arabe est inauguré par le président François Mitterrand et son premier ministre Jacques Chirac. Cette institution associant la France à une vingtaine de pays arabes allait bien dans le sens de sa conviction qu’il fallait raffermir les liens entre la France et le Monde arabe au travers d’échanges culturels accrus.
L’année 2003 voit le refus du président Jacques Chirac de participer à la guerre d’Irak et le projet d’ouvrir un département consacré aux arts de l’Islam au musée du Louvre afin de « rappeler l’apport majeur des civilisations de l’Islam à notre culture ». Ce département ouvrira ses portes en 2012 permettant au public de découvrir l’incroyable richesse des collections nationales.
La rencontre entre Jacques Chirac et Jacques Kerchache, reconnu comme un des meilleurs experts en « arts premiers », sera déterminante. C’est sur sa suggestion que, pour marquer la découverte de ce qui deviendra l’Amérique, 1982 verra une exposition consacrée aux Taïnos, peuple des Grandes Antilles qui disparaîtra suite à la conquête. En 1999, le président Chirac sera le premier chef d’Etat à visiter le Nunavut, territoire autonome dévolu aux Inuits par le Canada et, en 2004, inaugurera l’exposition « Inuit, quand la parole prend forme » au musée de l’Homme.
Son intérêt pour le développement durable ne s’est jamais démenti et son discours à Johannesburg en 2002 en est une preuve supplémentaire « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature mutilée, surexploitée, ne parvient pas à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. (…) La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. ».
Après son élection de 1995, le président Chirac constitue une commission de réflexion sur la place des arts primitifs dans les musées français. En 1998, il est décidé de construire l’Etablissement du musée du quai Branly. Le concours lancé en 1999 aboutit au choix de l’architecte Jean Nouvel pour la construction du musée. Déjà, en 1995, Jacques Chirac avait annoncé l’ouverture de salles pour présenter les chefs-d’œuvre des « arts premiers » et le pavillon dit « des Sessions » verra ainsi le jour en 2000. La société des Amis du musée du quai Branly, créée en 2002, va fortement contribuer à l’enrichissement des collections de même que la politique d’acquisition menée par le musée. En outre, durant toutes les années de gestation du musée, un vaste chantier d’inventaire, de documentation et de restauration est entrepris. L’inauguration du musée aura lieu le 20 juin 2006 en présence de nombreuses personnalités dont Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, Abdou Diouf, président de l’organisation internationale de la Francophonie, de Claude Lévi-Strauss, de Jean Malaurie, Rigoberta Menchu, Paul Okalik ou encore Marie-Claude Tjibaou.
En 2008, Jacques Chirac crée une fondation pour la prévention des conflits et encourageant le dialogue des cultures. C’est à partir de 2009 que cette fondation remet un prix annuel à des personnalités qui se sont engagées dans ces causes chères à l’ancien chef d’Etat.
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