Chine : trois peintres de Hangzhou
Mercredi 10 octobre 2007
Compte rendu de la visite-conférence « Chine : trois peintres de Hangzhou »
à la Mairie du VIIIe arrondissement par Madame Journet Thanh-Trâm,
conférencière au musée Cernuschi
Cette visite a complété celle de l’exposition « Chan Ky-Yut » qui se tient au Musée Cernuschi jusqu’au 30 décembre 2007 en montrant un autre aspect de la peinture chinoise à l’encre contemporaine.
Il n’est pas inintéressant de savoir que la ville de Hangzhou, capitale des Song du Sud (1127-1279), établie sur les berges du Lac de l’Ouest, est encore célèbre pour la beauté de ses paysages. Foyer de culture, la ville est connue pour avoir abrité de nombreux peintres et mécènes au fil du temps.
Au début du XXe siècle, plusieurs institutions fondamentales furent créées à Hangzhou : la Société des Graveurs de Sceaux de Xiling et l’Académie des Beaux arts de Lin Fengmian (1900-1971) qui introduisait pour la première fois en Chine une forme d’enseignement inspirée de l’Occident.
Après la Révolution Culturelle qui avait dissocié la peinture de la calligraphie, s’ouvre une période de débats et d’ouverture.
Les trois peintres présentés dans cette exposition ont travaillé dans les années 80 à Hangzhou, revisitant la peinture traditionnelle à l’encre et entrouvrant un espace neuf.
HE SHUIFA (né en 1946)
Il est le plus « classique », tant par le choix des sujets (fleurs et oiseaux) que par le format de ses oeuvres (rouleaux verticaux). Sa maîtrise technique du pinceau et de l’encre soutient des compositions sinueuses mais énergiques : bambou et bananier (1986), cigale sur une feuille de bananier (1997), glycines (1987 et 1988).
He Shuifa, recherche cependant des effets particuliers : blanc en réserve et rapport avec la lumière qui est nouveau, surtout dans les fleurs jaunes (fin des années 80) qui illustre un travail impressionnant de l’ombre et de la lumière.
Son poisson solitaire (1980) est traité de façon classique alors que les trois poissons (1987) de Zeng Mi sont traités avec un certain humour dans une construction inhabituelle avec le fil et l’hameçon accentuant la verticalité du format.
ZENG MI (né en 1935)
Autodidacte, il revendique cependant l’héritage de Badashanren (1626-1705), tant par la facture que par l’humour : homme et oiseau (1980), le premier dit au second : nous vieillirons ensemble. Chat et store (1987) montre l’animal endormi devant un store, sa pose alanguie rend palpable la chaleur du jour et l’absence de lignes droites est une « maladresse » recherchée. Dans l’album oiseaux (1980), il crée un effet de mouvement décomposé comme dans un dessin animé. Le temple de Kobé (1984) est bien actuel avec un motocycliste en premier plan.
Zeng Mi travaille aussi avec la lumière : effets de fonds sombres, tracé sec opposé au trait mouillé. La cascade (1989) propose un effet de contre-jour novateur et puissant.
JIANG BAOLIN (né en 1942)
Il est le plus novateur des trois et aussi le plus ouvert à l’Occident. Il est aussi celui qui a fait le plus d’expériences, aussi bien dans la composition que dans l’usage audacieux de la couleur.
Calligraphie (1985) joue avec l’emplacement des sceaux en harmonie avec le fond et les idéogrammes. Dans monts et oies sauvages (1985), l’accumulation de l’encre crée un effet de masse presque en relief. La répétition et la systématisation du geste tendent à l’abstraction : bambous et torrents (1987), mais encore plus sensible dans rochers où l’oeuvre de 1985 devient presque « cubique » en 1987. Le paysage au bord de la mer (1985), très figuratif et coloré, crée un effet spatial grâce au chemin qui serpente vers le fond du tableau. Dans paysage de montagne, le chemin ne se voit pas mais est suggéré par les diagonales qui sont construites avec le jeu des couleurs, un peu à la manière de David Hockney.
Il est juste de rappeler que les oeuvres exposées ont été rassemblées par Paul Rouillé, collectionneur qui a su nouer des contacts avec ces artistes dès le début des années 80.