Sur la route du Tokaido – Chefs-d’œuvre de la collection Leskowicz

Du 10 juillet au 7 octobre 2019 au MNNA-Guimet.

L’acquisition récente d’un important album d’estampes du Tokaido ayant appartenu à Victor Segalen (1878-1919), poète, romancier et sinologue, est l’occasion de présenter pour la première fois au public cette route autour de laquelle s’agrègent de nombreuses estampes fameuses.

Le Tokaido ou « route de la mer de l’Est » est le plus important des itinéraires (kaido) du Japon. Il est surtout connu en Europe pour être une route littorale pittoresque, plus exactement une des cinq routes du Gokaido, tout autant itinéraire touristique que tracé participant à la construction d’un espace politique dans le Japon de l’époque d’Edo (1603-1868).
La circulation sur cet itinéraire se développa rapidement à partir de l’époque de Kamakura (1185-1333), alors que la capitale était implantée dans cette ville non loin d’Edo (Tokyo). Il est vital à l’époque d’Edo, liant Kyoto, lieu de résidence de l’empereur, à Edo, capitale du shogun. Les sites remarquables et fameux s’égrènent tout au long du chemin : Odawara, Hakone, Mishima, Nissaka, la passe de Nakayama, Ie col de Suzuka et le célèbre sanctuaire d’Ise. Succession de points de vue spectaculaires, surplombant la plus grande partie du temps la mer, s’agrippant aux escarpements, partant à l’assaut de terrains montueux et difficiles, il offrait de remarquables plongées dans de vertigineux paysages. Les points de vue captivants, partout présents, y jouent des rivières, des auberges, des effets de trouées vers l’intérieur ou sur la mer. Le long de son trajet cinquante-trois relais furent aménagés ; autant que ce que compte d’estampes la célèbre série d’Hiroshige (1797-1858) à quoi l’on ajoute le pont Nihonbashi, étape de départ à Edo et celui de Sanjo à Kyoto, ultime point du voyage.

En cheminant sur la route du Tokaido, le MNAAG propose à ses visiteurs de l’accompagner dans une entreprise littéraire, artistique et mémorielle.
Mémorielle d’abord, car c’est à l’occasion de l’acquisition d’un superbe album qui appartint à Victor Segalen (1878-1919) que l’idée de cette exposition est née. Il y a cent ans mourrait l’homme de lettres que l’on connaît plus comme passionné de Chine qu’amateur de Japon. On ne sait pas les circonstances qui mirent en présence un ensemble exceptionnel du «Tokaido processionnaire» de 1863 et le sinologue. Mais il est l’occasion de présenter une autre vision de cette route, plus attachée à dépeindre des situations et des personnages qui offrent un témoignage très intéressant des dernières années du shogunat.
Entreprise artistique en premier lieu, c’est bien ce qu’est le Tokaido dans l’imaginaire collectif. C’est ce que montre «l’album Segalen» à travers ses près de 200 estampes et sa cohorte d’artistes : Utagawa Kunisada, Hiroshige II, Toyohara Kunichika, Kawanabe Kyosai, Utagawa Sadahide, etc. Comment, autour de cet ultime ensemble destiné à rappeler à l’empereur les bons services d’un shogun désormais sur le déclin, ne pas évoquer l’œuvre des grands devanciers sur cette route pittoresque et célèbre ? Hokusai bien sûr, Hiroshige plus que tout. La matière était vaste et c’est pourquoi nous avons décidé de nous concentrer sur la série de vue la plus célèbre, les Cinquante-trois stations du Tokaidō (Tokaidō gojusan tsugi) d’Utagawa Hiroshige. Le musée ne possède pas l’intégralité de la splendide édition dite Hoeido de 1833-1834. M. Jerzy Leskowicz, collectionneur hors pair et ami du musée, a bien voulu nous suivre sur le chemin et nous faire l’honneur de nous confier pour un temps un exceptionnel premier tirage complet de ses collections. Hiroshige nous sert de guide donc, non sans être accompagné d’estampes à peine moins connues et de guides de voyages de la fin de l’époque d’Edo, propriété du même collectionneur ; ils illustrent l’engouement autour de cette route.
Cet itinéraire littoral aux vues époustouflantes, aux nombreuses difficultés, suscita aussi une matière littéraire abondante dont l’œuvre fameuse de Jippensha Ikku. Le chemin a bien changé aujourd’hui, mais à travers les estampes la magie demeure inchangée et nous restitue un Japon qui toujours nous fait rêver.

L’album du «dernier Tokaido» conclut une longue tradition. De nombreux artistes japonais ont illustré, sous des formes diverses, totalement ou partiellement, les grandes étapes scandant la route qui relie Kyoto, capitale impériale, à Edo (Tokyo), capitale du Shogun.

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