Chen Zhen, Dessin pour Jardin Lavoir, 2000,

Dessin pour Jardin Lavoir, 2000, peinture à l’encre et collage sur papier, 100 x 70 cm.

Chen Zhen (1955-2000) est un artiste contemporain majeur de la fin du 20ème siècle. Il a été principalement actif en Chine et en France. Peintre à ses débuts, il s’est fait connaître par ses installations qui lui ont valu une renommée internationale. A la fin des années 1990, il conçoit un vaste projet, le Jardin Lavoir, auquel se rattache l’œuvre acquise par le musée Cernuschi. Dans cette création graphique, datée de l’an 2000, peinture à l’encre et collage sont associés sur un même support qui présente en son centre le squelette d’une cage thoracique entouré de fragments de photographies imprimées en noir et blanc et d’inscriptions en français, anglais et chinois.

Le thème principal de ce travail est une réflexion sur le bain et plus généralement sur le corps. Les photocopies de photographies représentent des scènes de bain qui renvoient à des environnements culturels variés (sources chaudes au Japon, hammam en Turquie) et à un contexte traditionnel d’appréhension des soins du corps. Certaines des notes manuscrites précisent la pensée de l’artiste qui évoque ces pratiques traditionnelles, dans leur dimension sacrées (baptême, rites de purifications) ou profanes (massage, soins du corps), dont la synthèse pourrait être le concept de cathédrale païenne (« pagan cathédral ») dont les voûtes renvoient au hammam, mais aussi à l’architecture des Moulins albigeois où l’œuvre a été créée pour la première fois. Ainsi, l’intelligence des mondes traditionnels qui produisent des structures architecturales dédiées au bain ou aménagent des coins de la nature qui s’y prêtent, est opposée au monde actuel où « l’incapacité de créer un environnement pour le bain devient un problème majeur », comme le note l’artiste.

Le questionnement de Chen Zhen embrasse naturellement les problématiques thérapeutiques, renvoyant à l’intérieur du corps, comme le signifie la structure de la cage thoracique et l’inscription évoquant « le système de tuyaux pour laver l’intérieur du corps ». Un réseau de traits reliant la colonne vertébrale aux différentes photographies et annotations pourrait figurer ce système d’irrigation interne. L’ensemble s’inscrit dans les axes de réflexion bien connus de l’artiste qui à cette époque de sa vie étudie la médecine chinoise et se réfère souvent aux images taoïstes qui décrivent le corps et ses organes internes comme une sorte de paysage intérieur (neijing tu).

L’œuvre est donc représentative des modes d’expressions de Chen Zhen et de ses thèmes de prédilection. Mais si elle se prête à une lecture indépendante, elle doit aussi être considérée en fonction du contexte de la création originale de l’installation Jardin Lavoir en 2000 au centre départemental d’art contemporain à Albi installé dans les anciens moulins albigeois.  Les Moulins albigeois sont un monument historique surplombant le Tarn. La présence sonore et visible de l’eau à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment a directement inspiré Chen Zhen qui y a installé un ensemble de onze lits lavoirs remplis d’objets regroupés selon les thématiques de la vie quotidienne (livres, ustensiles de cuisine, matériel informatique…). Dans une autre version du projet, non réalisée, onze bassins aux formes des onze organes prenaient la place des lits, évoquant plus directement la vision interne du corps suggérées par la peinture de Chen Zhen. Ce « jardin de purification » est parallèle et complémentaire du « Zen Garden », autre projet majeur de l’artiste datant de la même période extrêmement créative, qui précède la disparition de l’artiste en 2000. L’œuvre s’inscrit de manière particulièrement heureuse dans les collections contemporaines du musée Cernuschi, dédiées tout aussi bien aux artistes asiatiques actifs en France, qu’à la pratique de l’encre dans sa diversité.

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