Le jardin japonais, sous l’œil du jardinier…
Visioconférence par Robert Lavayssière, Médecin, trésorier de l’Association des Parcs et Jardins de Paris et de l’Ouest Parisien (APJPOP) et membre du conseil d’administration de la SAMC.
L’appropriation de l’art du jardin japonais est un long processus car le jardin japonais ne se livre pas si facilement malgré une longue fréquentation. Le jardinier amateur français n’échappe pas à cette règle…
On peut aborder le jardin d’un œil vierge et se laisser aller à l’émotion esthétique ou à la curiosité botanique, mais il faut abandonner ses références, cartésiennes et horticoles, pour appréhender un art ancien construit dans une continuité agitée au fil des périodes avec un art particulier de la mise en scène.
L’histoire permet d’intégrer les évolutions successives et la continuité dans un cohérence de l’art du jardinier qui ne laisse pas de place au hasard.
Cette connaissance permet d’essayer de décoder la construction des scènes, paysages miniatures ou paysages empruntés.
Au commencement était la «terre-mère» et le simple espace aménagé devant le palais ou le temple avec pour référence les éléments telluriques, siège des esprits (kami), le shintoïsme restant profondément enraciné dans la vie japonaise d’aujourd’hui. Différents éléments comme les pierres, les cordelettes (shimenawa) ou les éléments nécessaires à la purification, ablutions avec les bassins (tsukubai), se retrouvent dans de nombreux jardins de toute obédience.
Puis, malgré l’insularité et les mers hostiles, l’influence chinoise, parfois venue aussi de Corée, a apporté des éléments philosophiques et religieux, Taoïsme, Confucianisme et Bouddhisme avec ses différentes écoles et, notamment, l’avènement du Bouddhisme Chan devenu Zen.
Le jardin s’enrichit de multiples éléments faisant référence à des représentations symboliques qui sont parfois difficiles à détecter et/ou à décrypter.
Les codes d’implantation des jardins et des demeures sont plutôt constants : orientation selon les règles de la géomancie, espace devant la demeure, lieu de vie et de spiritualité, ouverte sur l’espace en continuité, comprenant dans le jardin un étang, un pont et une île.
La continuité entre la demeure, le palais ou le temple avec l’extérieur est un élément important: espace de vie et de spiritualité.
Le pont revêt de multiples formes, de la simple pierre couchée au pont complexe, parfois ornée d’un pavillon.
A partir de ces éléments, les différents jardiniers ont fait évoluer les styles modifiant les rapports entre la ou les demeure(s) et les éléments du jardin.
Assez curieusement, les écrits semblent assez rares et, au travers des différents ouvrages, on rencontre plus d’hypothèses que de certitudes.
Les premiers jardiniers étaient surtout chinois, puis les moines sont devenus aussi des jardiniers aidés par les «habitants des berges et rivières (kawara mono)», terme désignant une population assignée aux basses besognes, avant l’apparition progressive de jardiniers professionnels.
Parallèlement, les demeures se sont modifiées à partir du style shinden d’inspiration chinoise, très symétrique, avec un pavillon central et des pavillons latéraux, le pavillon central correspondant à la demeure céleste, Paradis de la Terre Pure.
Le Sakuteiki (作庭記), par Tachibana no Toshitsuna au 11ème s. «Livre de conception du jardin», jette les bases et définit 5 types de jardin.
A l’époque Kamakura (1185-1333), le style shoin marque la naissance d’un style japonais, asymétrique dans un espace plus réduit avec un espace ouvert sur la lumière et le jardin qui paraît inaccessible et préservé.
Il faut intégrer le fait que nombreuses demeures ont été détruites, par les incendies et/ou par les guerres, alors que d’autres ont changé de destination, palais devenu temples, par exemple. Enfin, «un temple» est aussi souvent un ensemble de temples, avec un temple principal et de nombreux temples secondaires, plus ou moins autonomes et possédant aussi des jardins, parfois bien cachés.
Dans l’imaginaire collectif, le «jardin Zen», étroitement lié au bouddhisme Chan, est souvent associé à un jardin sec parsemé de pierres dressées. La réalité n’est pas si simple et il existe de nombreuses variantes, parfois mystérieuses ou par association de styles antérieurs. D’autre part, si ces jardins sont propices à la méditation, cette association reste assez discutée.
Les pierres sont choisies et associées avec soin, plus ou moins figuratives, avec de multiples références taoïstes et/ou bouddhistes, dans l’art de dresser les pierres.
Enfin, les jardins intègrent parfois des éléments du paysage dans lesquels ils s’insèrent, «paysages empruntés» ou font référence à des œuvres picturales célèbres, chinoises ou japonaises.
Les grands jardins promenades, apparaissant à l’époque Edo (1603-1867) mettent en présence des éléments différents selon un parcours plus ou moins organisé et intègrent parfois des éléments européens, comme le Shinjuku-goen à Tōkyō qui comprend aussi un jardin français et un jardin anglais.
Enfin, il convient de distinguer deux types bien particuliers, le Tsubo-Niwa et le jardin de Thé ou Cha-Niwa. L’unité de surface du Tsubo-Niwa, deux tatamis, rend compte de son implantation dans une demeure autour d’une plante, espace dédié à la contemplation et où l’on ne pénètre pas, sauf entretien. Ce type de jardin accompagne le développement d’une classe urbaine dès l’époque Edo.
Le Jardin de Thé et son pavillon a d’abord été un espace ludique, d’admiration d’objets chinois, avant de devenir un rituel organisé selon le code strict de la cérémonie du Thé, à l’époque Momoyama (1568-1600).
Le jardin de Thé est souvent discret, à part, mais il peut être plus imposant, notamment dans les grands jardins, jardins impériaux notamment.
Au fil du temps, les périodes précédentes ont été intégrées et de nombreux éléments des jardins sont ainsi assemblés, avec la patine du temps ou «la beauté dans l’imperfection» (Wabi/Sabi ) et l’entretien minutieux qui fait partie d’une ritualisation.
Enfin, il convient de distinguer deux types bien particuliers, le Tsubo-Niwa et le jardin de Thé ou Cha-Niwa. L’unité de surface du Tsubo-Niwa, deux tatamis, rend compte de son implantation dans une demeure autour d’une plante, espace dédié à la contemplation et où l’on ne pénètre pas, sauf entretien. Ce type de jardin accompagne le développement d’une classe urbaine dès l’époque Edo.
Le Jardin de Thé et son pavillon a d’abord été un espace ludique, d’admiration d’objets chinois, avant de devenir un rituel organisé selon le code strict de la cérémonie du Thé, à l’époque Momoyama (1568-1600).
Le jardin de Thé est souvent discret, à part, mais il peut être plus imposant, notamment dans les grands jardins, jardins impériaux notamment.
Au fil du temps, les périodes précédentes ont été intégrées et de nombreux éléments des jardins sont ainsi assemblés, avec la patine du temps ou «la beauté dans l’imperfection» (Wabi/Sabi ) et l’entretien minutieux qui fait partie d’une ritualisation.
Le jardin contemporain démontre souvent le retour à une certaine ascèse associant le shintoïsme et l’idée que l’on se fait souvent du «jardin zen».
De nombreux arbres et arbustes font partie des éléments constitutifs du jardin comme le pin, symbole de longévité, le bambou, symbole de souplesse, et les pruniers comme les cerisiers, symbole d’évanescence. L’association des 3 est synonyme de félicité…
La taille et la mise en forme des arbres et des arbustes est tout un art aux mains de jardiniers spécialisés et qui nécessitent des outils spécifiques.
Une grande variété de plantes vivaces vient ponctuer les espaces, y compris dans les jardins dits secs, avec plus de parcimonie cependant. Ces espèces asiatiques sont maintenant acclimatées sur tous les continents, notamment en Europe.
La mousse ou, plutôt, les mousses tiennent une grande place et ne sont pas considérées comme de «la mauvaise herbe» au Japon.
Cette parcimonie peut être compensée par les bonzaïs, art venu de Chine, et aussi par l’art de l’Ikebana, également Chinois, qui permet à chacun de devenir un artiste avec une branche en suivant des règles codifiées tout en gagnant une connaissance approfondie du monde végétal.
En conclusion, l’émotion que l’on peut éprouver dans un jardin japonais est évidemment toute personnelle, parfois perturbée par la pression touristique, et variable en fonction des saisons qui voient la fréquentation augmenter au Printemps avec la floraison des pruniers puis des cerisiers, dont la courte durée rappelle le caractère éphémère de l’existence, ou l’Automne avec l’explosion des couleurs, celles des érables notamment.
Il existe de nombreux jardins japonais de par le Monde, mais rares sont ceux qui ressemblent réellement à des jardins japonais, notamment pour des raisons climatiques mais aussi par la nécessité d’un entretien minutieux qui doit aussi laisser une place à la patine du temps.
La visite d’un jardin japonais peut se faire sans préparation et l’émotion sera plus spontanée. La préparation permet de mieux appréhender les différents éléments, parfois difficiles à identifier, et l’émotion sera différente, la grande difficulté étant de pouvoir y passer suffisamment de temps, voire d’y revenir.
Robert Lavayssière.
Il existe de nombreux ouvrages en Français sur les jardins japonais et on peut recommander :
Yoko Kawaguchi – Jardins zen japonais – Synchronique Ed. Antony, 2018
Sophie Walker – Le jardin Japonais – Phaidon Ed. Paris, 2017
Marc Peter Keane – L’art du jardin au Japon– Philippe Picquier Ed. Arles 1999